lundi 28 mars 2016

Les traducteurs de Babelcube, une concurrence déloyale pour les "véritables" traducteurs littéraires?

Selon moi, dire que le système de traduction proposé par Babelcube constitue une concurrence déloyale pour les traducteurs littéraires et que cela tue le métier ("pourquoi les éditeurs iraient payer des traducteurs si certains acceptent de travailler pour des cacahuètes sur BC") n'est pas tout à fait vrai.

On m'a fait remarquer que les fansubs avaient porté préjudice au marché du sous-titrage et que certains clients (y compris de grosses boîtes) se servaient de ce prétexte pour tenter de brader les tarifs. Babelcube pourrait, de même, donner de mauvaises idées à certains éditeurs peu consciencieux et désireux d'obtenir le meilleur prix, au détriment peut-être de la qualité. C'est sans doute vrai, et ce serait vraiment triste, je suis la première à le regretter.

Après, faut-il généraliser? Certains clients tenteront toujours de réduire les coûts, en faisant par exemple relire une traduction faite par Google Translate pour ne payer qu'un tarif de révision et non de traduction (au traducteur de refuser et d'expliquer au client qu'il n'a pas l'intention de se laisser prendre pour une prune), ou de demander à la secrétaire/au stagiaire en marketing ou autre de traduire son texte pour ensuite le faire relire, etc... Avec ou sans Babelcube, les dérives existeront malheureusement toujours. Mais les clients qui en ont les moyens préféreront en général payer le prix plein pour avoir un travail de qualité.

À entendre certains discours, il semblerait que proposer un tarif bas va forcément casser le marché, comme si le prix était le seul facteur décisif. N'oublions pas que dans la plupart des secteurs, la concurrence existe et c'est normal. Mais l'existence de Volkswagen n'empêche pas celle de Porsche, et quelqu'un qui aime Louis Vuitton et a les moyens de se le permettre n'ira pas s'habiller chez H&M juste pour économiser quelques euros. De même, J.K. Rowling (oui, je donne toujours le même exemple, je sais) ne prendra pas le risque d'engager n'importe quel traducteur juste pour économiser quelques sous, au risque de voir son livre devenir la risée des lecteurs... Personnellement, je n'ai pas peur des traducteurs qui proposent un tarif inférieur au mien. Si je devais engager un avocat, un graphiste ou un comptable, je n'irais pas forcément engager le moins cher. Je regarderais le profil, les compétences, les projets, la rapidité de réponse, etc.

J'aimerais enfin rappeler que BC s'adresse à un marché précis: celui de l'autoédition. Je pense que comparer les conditions de travail des traducteurs sur BC à celles des "véritables" traducteurs littéraires revient à faire un mauvais calcul. Ce serait comme comparer les conditions de travail d'un auteur autopublié et celles de Marc Levy (allez, on varie). Il s'agit ici d'un loisir, d'un tremplin, avec peut-être des gains à la clé... Bref, il s'agit d'une forme d'autopublication pour les traducteurs littéraires, si on veut.

On m'a également dit qu'il serait mieux d'élever les tarifs des auteurs à ceux des traducteurs, plutôt que faire l'inverse. Encore une fois, c'est sans doute vrai dans le milieu de l'édition traditionnelle, où les auteurs devraient être mieux payés, mais dans le milieu de l'autoédition, je vois mal comment cela serait réalisable... Si Marcel Dupont souhaite autopublier son livre sur Amazon, qui va lui assurer un revenu "raisonnable"? Pour que quelqu'un accepte de lui payer cette somme, il faudrait que cette personne soit assurée d'en tirer un profit plus grand, pour rentrer dans ses frais. C'est donc réalisable avec un auteur à succès, mais pas forcément avec Marcel Dupont. Marcel Dupont accepte donc d'écrire un livre et de le publier seul dans l'espoir de toucher un public et de l'argent, sans garantie de succès. Si ça marche, tant mieux. Sinon, il aura essayé et n'aura pas de regrets. Et il en va de même pour Sarah Smith qui décide de traduire le livre de Marcel Dupont sur BC. Ni Marcel ni Sarah ne portent préjudice aux grands auteurs et traducteurs, ils tentent juste leur chance de leur côté, avec leurs moyens, et en prenant des risques mesurés.

Pardon pour ce long article qui part un peu dans tous les sens. J'ai tendance à comparer des éléments qui ne sont pas toujours comparables, et mes exemples peuvent sembler farfelus... J'espère que cela vous aura aidé à comprendre un peu mieux mon point de vue. Si ça vous a juste embrouillé... Désolée! ;-)

dimanche 27 mars 2016

Babelcube, les critiques : la suite

Ces derniers jours, le concept de Babelcube a suscité de nombreuses réactions sur Twitter. Je trouve le débat passionnant mais il est difficile de bien s'exprimer sur Twitter ; en 140 caractères, argumenter n'est pas toujours évident.

J'ai donc décidé d'écrire un nouvel article au sujet des critiques de Babelcube, qui fait écho au premier (à lire ici). Encore une fois, mon but n'est pas de promouvoir Babelcube. J'ai moi-même été contre au départ, puis j'ai testé le site et mon avis est aujourd'hui plutôt neutre : la plateforme a des bons et des mauvais aspects. Je ne suis donc dans l'absolu ni pour, ni contre - mais je trouve en revanche dommage que le concept soit à ce point descendu en flèche par de nombreux traducteurs.

1) La rémunération

Les traducteurs ne sont rémunérés qu'en fonction des ventes, et ils n'ont donc pas de revenu assuré. Le traducteur prend le risque de travailler pour des cacahuètes. Je l'ai déjà dit, pour moi, la situation équivaut à celle de l'auteur autoédité : lui non plus ne sait pas si son livre fonctionnera et il prend également le risque de travailler pour rien - si ce n'est pour le plaisir de voir son livre publié et de savoir qu'il aura touché deux ou trois lecteurs.

Je trouve étrange que d'un côté on se batte pour que le traducteur jouisse de la même reconnaissance que l'auteur ("il s'agit d'une œuvre de création, il faut que le nom du traducteur apparaisse sur la couverture, il faut citer le traducteur autant que l'auteur quand le livre reçoit un prix, etc.") mais qu'en même temps, on refuse de prendre les mêmes risques que les auteurs. Qu'un auteur doive passer par la case revenus modestes voire nuls pour son premier livre, c'est une chose ; mais que le traducteur en fasse de même, ça ne va pas ? Le traducteur ne devrait traduire que des livres à succès pour lesquels il est sûr de toucher un revenu fixe ? Pourtant, aucun auteur ne s'est lancé en étant sûr à 100% de réussir... Où est l'égalité, ici?

Enfin, il faut bien comprendre que les traducteurs qui décident de passer par BC le font de leur plein gré et qu'ils sont conscients que l'aspect financier ne suivra peut-être pas. Donc, qu'on ne veuille pas prendre ce risque, je le respecte tout à fait ; mais qu'on critique ceux qui souhaitent le prendre, je ne le comprends pas.

2) L'éthique/le respect du métier

On ne s'improvise pas traducteur littéraire ; or, sur cette plateforme, n'importe qui peut tenter sa chance, au risque de produire un résultat médiocre. Je suis entièrement d'accord. Mais quand on me dit que cela porte préjudice au métier de traducteur littéraire, au respect de la profession, etc... Là, je ne suis plus du même avis.

Premièrement, c'est un risque que l'auteur et le traducteur sont prêts à prendre, à tort ou à raison. Ça peut fonctionner, ça peut échouer, l'expérience seule le dira. Mais faut-il limiter les traductions littéraires à l'élite? Une traduction pro coûte cher ; un petit auteur indépendant n'en a clairement pas les moyens. Cela voudrait donc dire que seuls les auteurs à succès auraient le droit de se voir traduits? Parce que, soyons honnête : Babelcube ne tue pas le métier, le site n'enlève pas de projets aux "véritables" traducteurs littéraires. Les grands auteurs qui payent préféreront toujours se tourner vers des pros, c'est évident. Sans Babelcube, il n'y aura pas plus de travail rémunéré pour les traducteurs littéraires, puisque les auteurs qui utilisent BC décideront simplement de ne pas traduire leur livre, faute de moyens.

Encore une fois, la situation est selon moi proche de celle des auteurs autoédités. Un livre autopublié sur Amazon par exemple n'aura certainement pas un rendu aussi professionnel qu'avec une maison d'édition, il y aura peut-être des typos à cause de l'absence de relecteur, la mise en page ne sera peut-être pas parfaite, la promotion sera forcément moins bonne... Mais l'augmentation du nombre d'auteurs autoédités a-t-elle porté préjudice aux grands auteurs? Lit-on moins J.K. Rowling sous prétexte que Charles Boudin a publié son bouquin?

3) La plateforme est une arnaque

Pourquoi ne pas travailler directement avec les auteurs plutôt que passer par la plateforme, qui prend une commission, quelle arnaque? Effectivement, c'est une possibilité. Cependant, n'oublions pas que l'inscription est gratuite ; la plateforme prend une commission sur les ventes... Exactement comme le traducteur et l'auteur. Si la plateforme s'accordait les revenus des 100 premières ventes par exemple, je serais d'accord de dire qu'il s'agit d'une arnaque. Si l'inscription était payante, de même. Mais là, la plateforme offre un service (mise en relation d'auteurs/traducteurs, publication du livre sur plusieurs sites de vente, etc.) et court le même risque que nous : si le livre ne se vend pas, elle aura elle aussi travaillé pour rien. C'est le même concept que des sites comme Booking, Weekendesk... : ils centralisent plusieurs offres pour le visiteur, qui gagne ainsi du temps, et en contrepartie ils prennent une commission sur les ventes. Je ne trouve pas cela scandaleux puisqu'en effet, rien n'empêche de contacter de son côté les auteurs pour leur proposer de traduire leur livre en échange d'une commission sur les ventes - personnellement, je préfère le faire via BC, c'est plus simple, mais le choix existe.

CONCLUSION
Jamais il ne me viendrait à l'idée de parler de Babelcube à des traducteurs littéraires implantés. Je me doute que le concept ne les attirera pas, de même qu'il n'intéressera pas de grands auteurs qui ont les moyens de s'offrir une traduction professionnelle et de s'assurer un travail de qualité. En revanche, de nombreux traducteurs débutants m'ont contactée pour m'en parler avec enthousiasme : ils étaient heureux d'avoir une opportunité de traduire des livres, même si ce n'était pas du Shakespeare, et même si ce ne serait peut-être pas (beaucoup) rémunéré. Peut-être que leur traduction ne sera pas parfaite, peut-être qu'il y aura des fautes. Peut-être également que le livre qu'ils traduiront ne sera lui-même pas génial : l'auteur aura peut-être lui-même fourni un travail amateur. Tout ça ne tue pas le métier d'auteur ou de traducteur, selon moi. Je serais toutefois sincèrement ravie d'entendre vos autres critiques (négatives ou positives), n'hésitez surtout pas, c'est un débat fort intéressant :-)

jeudi 24 mars 2016

De novembre à février

Je ne vous ai plus donné de nouvelles depuis quelques temps, je m'en excuse.

Voici un petit récapitulatif de mes derniers Monthly Sales Report :

Novembre 2015 : 14 livres vendus
Décembre 2015 : 5 livres vendus


Mes Royalty Statements :

Janvier 2016 (donc pour octobre 2015) : 17 livres vendus, pour un total à toucher de 4,68€, qui viennent s'ajouter aux 1,33€ des ventes de septembre.
Février 2016 (donc pour novembre 2015) : 14 livres vendus, pour un total de 4,12€, qui s'ajoutent aux sommes précédentes.

Si l'on compare les Royalty Statement et les Monthly Sales Report, les nombres concordent (j'ai bien vendu 17 livres en octobre et 14 en novembre).

J'ai donc enfin perçu les 10€ minimum pour être payée, et Babelcube m'a versé mon dû via Paypal le 10 mars (moins 2% que Paypal prend).

Enfin, sachez que j'ai été débordée par mon "vrai" travail de traductrice (sans compter que je n'ai pas encore reçu de réponse des deux livres auxquels j'ai fait une offre) et que je n'ai donc plus traduit de livres depuis les premiers ; je ne les ai plus vraiment promus non plus.

Les délais de réponse

Comme je vous l'ai déjà dit, lorsqu'un livre vous intéresse, vous devez faire une offre auprès de l'auteur et attendre qu'il l'accepte. Plusieurs d'entre vous m'ont déjà demandé combien de temps il fallait attendre cette fameuse réponse de l'auteur...

Malheureusement, il n'y a pas vraiment de réponse à cette question, ça dépend de chacun. Pour mes premiers livres, j'ai eu de la chance et mon offre a été acceptée en moins d'une semaine. Pour mes dernières candidatures, ça fait plusieurs mois que j'attends et je n'ai aucune nouvelle.

En tant que traductrice, il m'arrive de recevoir des propositions de la part d'auteur. Deux possibilités : soit je reçois uniquement un lien vers la page du livre et un mail "L'auteur XXX vous suggère de traduire son livre YYY", soit je reçois également un autre mail avec le message privé de l'auteur. Si je reçois un message privé de l'auteur et que je décide de refuser l'offre, je le contacte pour lui expliquer pourquoi. Si je ne reçois pas de message, en général je me contente de refuser l'offre sans envoyer de mail à l'auteur - mais dans ce cas, je ne suis pas sûre qu'il sache que j'ai refusé son offre. Si ça se trouve, il attend lui aussi en vain une réponse qui ne vient pas.

Que faire, alors ? Selon moi, le mieux est d'envoyer un message privé à l'auteur en plus de votre proposition, ainsi il sera peut-être plus tenté de répondre. Vous pouvez également renvoyer un mail si, après un délai raisonnable, vous n'avez pas reçu de réponse - ce qui peut être utile en cas d'oubli de la part de l'auteur.